Un impact colossal

Théia (ou parfois Orphée) est un objet hypothétique du Système solaire, supposé avoir existé par le passé. Selon l’hypothèse dominante, la formation de la Lune est due à la collision de la Terre (ou proto-Terre) avec un objet de la taille de Mars. Théia est l’impacteur.
Le nom Théia est dérivé de la mythologie grecque : Théia était une titanide qui donna naissance à Séléné, déesse de la Lune et sœur d’Hélios (le Soleil) et d’Eos (l’Aurore).

Grâce au programme Apollo et aux roches lunaires que Neil Armstrong et ses collègues ont ramenées sur Terre, on sait que la Lune partage avec notre planéte de surprenantes similitudes de composition chimique, notamment au niveau des isotopes de tungstène, chrome, silicium et oxygène, qui rappellent la composition du manteau de la Terre.
Autre certitude : la Lune possède un noyau ferreux anormalement petit et très pauvre en eau.
De ces informations sur la composition de notre satellite, jointes à des considérations de mécanique céleste, les astronomes et les cosmochimistes en avaient déduit que l’explication la plus probable pour sa formation faisait intervenir un impact géant il y a plus de 4,4 milliards d’années. Une petite planète de la taille de Mars, baptisé Théia, serait ainsi entrée en collision tangentielle avec la Terre, moins de 100 millions d’années après le début de la naissance du Système solaire.
Sous l’impact, le noyau ferreux de Théia aurait été capturé par la Planète (pas encore) bleue, une partie du manteau des deux se serait ensuite retrouvée sous la forme d’un disque d’accrétion entourant la Terre, dans lequel serait finalement née la Lune.

vue d’artiste de la collision de la Terre (à gauche) et Théia (à droite)

Cependant, la composition chimique de la Lune devait différer tout de même un peu de celle de la Terre car une bonne partie des roches de notre satellite devait provenir du matériau initial de Théia. L’analyse des météorites a en effet révélé des variations isotopiques notables, en particulier pour le titane et l’oxygène, dans les corps rocheux du Système solaire (bien qu’ils partagent aussi des similitudes remontant à une origine commune, la nébuleuse protosolaire).
Or, la Terre et la Lune apparaissent comme des jumelles au niveau des isotopes de l’oxygène et du titane. Si les modèles de formation de la Terre et de la Lune reproduisent bien leur masse et leur vitesse de rotation respectives, ainsi que plusieurs caractéristiques chimiques, ils laissent donc subsister des énigmes au niveau des isotopes.

Les conséquences de la collision entre Théia et la Terre auraient été majeures pour notre planète et seraient à la base du développement de la vie complexe. Théia serait donc responsable d’une chaîne d’événements complexes essentiels à la vie sur Terre.
Cette collision aurait permis à la Terre de devenir beaucoup plus massive puisque celle-ci aurait absorbé une partie de sa jumelle lors de l’impact.
Elle serait donc à l’origine d’un accroissement de la gravité de la Terre. On peut estimer que la « proto-Terre » (avant cet impact géant) était très semblable à Vénus. Cet accroissement de la gravité a permis de retenir d’autant mieux les gaz de l’atmosphère primitive. Avec cette atmosphère, toutes les comètes qui nous ont heurtés par la suite, se sont désintégrées pour faire place, après plusieurs années, à une quantité d’eau totale équivalente à la moitié de toute l’eau sur Terre.
Théia aurait aussi été vitale pour notre planète en permettant à la Terre d’hériter d’un noyau plus gros. Combiné à la rotation de la Terre, ce tout nouveau noyau, plus massif et essentiellement constitué de fer, est à l’origine de la magnétosphère terrestre qui nous protège des radiations mortelles du vent solaire.
Un accroissement de la dimension du noyau aurait aussi eu pour effet d’augmenter l’intensité de la convection mantellique. Le noyau étant plus massif et diffusant une plus forte énergie, la roche en fusion du manteau aurait commencé à monter vers la surface de la Terre, créant des volcans grâce à l’intrusion du magma entre les plaques tectoniques. De nombreuses éruptions s’ensuivirent, libérant dans l’atmosphère d’énormes quantités de dioxyde de carbone et de méthane. La libération de ces gaz aurait alors créé l’effet de serre et aurait donc permis à la Terre de se réchauffer. Suite à ce réchauffement, la vapeur d’eau envoyée lors des éruptions volcaniques aurait enfin pu s’accumuler sous forme de nuages et l’autre moitié de toute l’eau de la Terre serait tombée sous forme de pluie.
La Lune, en servant de bouclier contre les géocroiseurs, a protégé notre planète de nombreuses catastrophes, comme le prouvent les cratères d’impact à sa surface.
La dernière contribution de Théia serait d’avoir su stabiliser les climats et les températures. Après avoir été elle-même pulvérisée en nous heurtant, Théia aurait laissé des débris en orbite autour de la Terre, débris provenant en partie de Théia et en partie du manteau de la proto-Terre. Ces débris, dont la grande partie ont dû d’abord former un anneau aux alentours de la limite de Roche, ont fini par s’amalgamer avec le temps en un corps céleste, la Lune. C’est grâce à l’attraction de la Lune sur la Terre que la précession des équinoxes prend 25 800 ans. Sans cette Lune si massive, l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre serait chaotique, oscillant de façon irrégulière à l’échelle des temps géologiques, quasiment de 0 à 90º. Les climats changeraient du tout au tout, ce qui aurait été très défavorable au développement des formes vivantes évoluées, surtout sur les continents.

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2 juin 2014